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    Bourgeon de Nuit s’élança à la suite de son mentor. Elles se dirigeaient vers l’Île aux Assemblées. Au bord d’une petite clairière, Fleur de Papillon s’arrêta net, la truffe en l’air. Elle désigna du bout des oreilles une souris qui creusait la terre non loin d’elles. La guérisseuse se tapit au sol, pris son élan et bondit. Le rongeur n’eut aucune chance.

    << Tu as faim ? >> proposa-t-elle à son apprentie. Quand celle-ci secoua la tête, elle reprit. << Tu devrais manger, on risque d’être partis pour un long moment. >>

    L’apprentie guérisseuse s’allongea aux côtés de son mentor pour déguster le rongeur.

    << Où va-t-on ? demanda-t-elle, la gueule encore pleine.

    - Tu le sauras quand nous y serons. >> r épondit simplement la guérisseuse en reprenant une bouchée.

    Bourgeon de Nuit n’insista pas. Fleur de Papillon prit une dernière bouchée et se releva.

    << Dépêchons-nous. L’aube est à peine levée et on a du chemin à faire.  >> déclara-t-elle.

    Elle commença à s’éloigner. Bourgeon de Nuit la rejoint en quelques bonds. L’apprentie ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur les paroles de la guérisseuse. Le territoire avait beau être grand, elles pouvaient aller n’importe où sans que cela ne prenne toute la journée. En silence cependant, elle suivit son mentor. Elles allèrent jusqu’à l’Île aux Assemblées. Au grand étonnement de Bourgeon de Nuit, Fleur de Papillon s’engagea sur le pont pour  gagner l’île. Sa surprise s’accentua quand son mentor pénétra sur  les terres de la Tribu de la Lumière sans la moindre gêne. Elle la rejoignit,   marquant une hésitation à la frontière. Elle se tient juste à côté de son mentor, faisant face à la lande sauvage., le vent fouettant son pelage.

    << On a le droit d’être là ?

    - Bien sur ! Tant qu’on a une bonne raison ! De plus, nous n’avons pas le choix,  il faut longer se torrent – elle désigna la frontière qui séparait le territoire de la Tribu de l’Eclair de celle de la Lumière. Aller viens. >>

    La guérisseuse se mit à dévaler la colline, en longeant le ruisseau.  L’apprentie la suivit, regardant nerveusement les alentours. Elle remarqua au loin, une patrouille de la Tribu de l’Eclair qui chassait sur leur territoire. Elle remarqua Plume Dorée qui pourchassait un écureuil. Bourgeon de Nuit tenta d’ignorer la fureur qui s’alluma dans son ventre et continua à courir.

    << Halte-là ! >> cria une voix.

    Fleur de Papillon s’arrêta net. Bourgeon de Nuit se plaça à côté de son mentor.  Une patrouille arrivait droit sur elles. L’apprentie reconnue Œil Luné, Flèche Noire et une autre guerrière au pelage blanc et court qu’elle ne connaissait pas.

    << Que faite vous sur notre territoire ? >>  demanda Œil Luné une fois arrivée à leur hauteur.  Son ton était courtois. Bourgeon de Nuit se doutait qu’elle tentait d’être polie, elle aurait déjà sautée sur  des guerriers, cependant on ne croisait sans doute pas souvent de guérisseuses ennemies au cours d’une patrouille.

    Fleur de Papillon se pencha pour lui murmurer quelques mots que Bourgeon de Nuit n’entendit pas. Elle comprit seulement la fin :

    << …. pour le baptême de guérisseuse de Bourgeon de Nuit. >>

    Œil Luné s’inclina avec déférence.

    << Dans ce cas, nous ne vous retenons pas. Voulez-vous que nous vous accompagnons ? >> proposa-t-elle.

    Bourgeon de Nuit savait qu’elle voulait s’assurer qu’elles ne prendraient pas de gibier.

    << Avec plaisir. >> en convient Fleur de Papillon.

    Et la troupe se mit en route, elles longèrent la frontière jusqu’à atteindre des sous-bois. Une grande colline se  dressait fièrement  juste derrière. Bourgeon de Nuit se sentit minuscule face à cette colline. Elle frissonna, redoutant l’ascension. 

     

    << Nous sommes hors des territoires des tribus, à présent. >> annonça Fleur de Papillon, une fois en haut de la colline.

    Bourgeon de Nuit regarda autour d’elle, fascinée. Derrière elle, on pouvait apercevoir les territoires des tribus tout entier. Et même la ville des Sans-Queue encore plus loin. Elle se concentra sur ce qui se dressait devant elle. De l’autre côté de la colline, on pouvait voir une forêt que s’étendait à perte de vue.

    << Voilà ! C’est là qu’on se rend. Miaula Fleur de Papillon.

    - Là-bas ? >> s’étonna l’apprentie guérisseuse.

    Son mentor  ne prit pas la peine de répondre et se mit à avancer le long du torrent qui dévalait la colline. L’apprentie la suivit et elles dévalèrent en courant la pente. Une fois de l’autre côté, elles s’avancèrent dans les sous-bois.

    Elles avancèrent, suivant toujours le ruisseau qui serpentait entre les arbres. Toute les senteurs nouvelles de cette forêt faisait tourner la tête à Bourgeon de Nuit. Elle furetait, ici et là, tandis que son mentor la suivait, l’ordonnant de se hâter.

    << Il n’y a personne qui habite ces bois ? s’enquit l’apprentie guérisseuse en reniflant une fougère sèche.

    - Non, du moins aucune tribu. Mais, il y a sans doute nombreux blaireaux et renards. Sois prudente. >> répondit d’une voix posée la guérisseuse.

    L’apprentie s’apprêtait à poser une autre question quand elle vit un gros campagnol sortir des fourrés et s’enfuir. Bourgeon de Nuit dépassa Fleur de Papillon en trombe et bondit sur le rongeur. Elle le manqua de peu. Tandis que la bête commençait à courir loin d’elle, elle tendit une patte et agrippa de ses griffe l’arrière-train du rongeur, elle le tira vers elle et lui brisa la nuque.  

    << Tu as faim ?  >> demanda-t-elle a son mentor qui ressortait des fourrés, un lapin à la gueule.

    Elle acquiesça d’un hochement de tête.  Les deux femelles s’installèrent sous un abri formé par les joncs qui bordait le ruisseau. Elles se partagèrent le lapin et Bourgeon de Nuit engloutie son campagnol. Elle se coucha ensuite pour se faire une toilette rapide, tandis que son mentor n’avait de cesse de jeter de petits coups d’œil en direction du soleil, comme si le temps leur était compté. Repue, Bourgeon de Nuit roula sur la terre chaude. Elle bailla.

    << Je ferais volontiers une bonne sieste ! >>

    Son mentor lui jeta un regard noir.  << Nous n’avons pas le temps ! Aller en route ! >> Son ton était dur et chargé de reproches. Elle partie, sans même attendre l’apprentie noire.

    Stupéfaite, - son mentor était d’habitude douce et calme -, Bourgeon de Nuit la suivit sans un mot. Elle songea à l’attitude de son mentor. Sans doute ne voulait-elle pas laisser Ciel d’Orage seul au camp trop longtemps.  Il en allait de même pour Patte de Lueur. Heureusement, Croc Casé était peut être vieille, mais elle savait encore s’occuper de malades. Elle se chargerait de donner des graines de pavots à l’apprentie et de la surveiller.

    Elles arrivèrent bientôt à un petit lac où se jetait le ruisseau. L’eau se ridait aux contacts des remous de la cascade qui grondait le long d’une paroi rocheuse. Fascinée, Bourgeon de Nuit contempla ce spectacle merveilleux. Fleur de Papillon marchait sans trop se préoccuper de la vue. La guérisseuse se hissa sur  un gros rocher au soleil et se coucha.

    << Bourgeon de Nuit ! Viens ! On a un  peu de temps pour se reposer. >> miaula-t-elle.

    Soudain consciente de la douleur dans ses pattes, Bourgeon de Nuit ne protesta pas. Elle se laissa tomber près de son mentor, laissant le soleil réchauffer sa fourrure.  Elle n’avait qu’une envie, fermer les yeux et se laissait envahir par le sommeil. Seulement, elle ne pouvait.

    Après un moment, Fleur de Papillon se leva et bondit au sol. Elle s’étira souplement et bailla.

    << Bon vient, il est temps pour toi de devenir une vraie guérisseuse. >>

    L’apprentie, tout excitée bondit au sol et prit à peine le temps de s’étirer pour suivre son mentor. L’esprit encore embrouillé, elle marcha aux côtés de son mentor qui suivait la rive du petit lac.

    << Où allons nous ? Tu disais que nous étions arrivés ! interrogea Bourgeon de Nuit, interloquée.

    - Oui, nous sommes tout près. C’est juste derrière cette cascade. >>

    Interloquée, l’apprentie ne dit pourtant rien. Les femelles atteignirent enfin la paroi rocheuse. Les gouttes d’eau glacés qui tombaient sur son pelage firent frissonner la petite chatte noire. Elle plissa les yeux pour les protéger de l’eau. Son mentor s’engagea sur le bord de la paroi, encourageant l’apprentie à la suivre d’un signe de queue. Hésitante, Bourgeon de Nuit la suivit. Plus elles se rapprochaient de la source de la cascade, plus il faisait frais. Avec étonnement, elle vit les contours d’une grotte se dessiner derrière l’écoulement d’eau.

     Fleur de Papillon bondit avec agilité à l’intérieur de la crevasse. L’apprentie la suivit, tremblante. Elle bondit et atterrie sur la roche dure et mouillée.  Elle glissa et ses pattes arrières plongèrent dans le vide. Un frisson parcourut son échine quand ses deux pattes plongèrent dans l’eau glacé. Elle s’agrippa tant bien que mal, elle sortit les griffes qui crissèrent contre le roc. Elle ne parvient pas à trouver une prise et se mit à glisser encore plus.

     Fleur de Papillon bondit et la saisie par la peau du coup. Son mentor la tira d’un coup sec.  Elle se releva, encore tremblante.

    << Merci.  souffla-t-elle, à bout de souffle.

    - Faisons une pause le temps que tu te sèches un peu. >> proposa la chatte écaille en s’asseyant.

    L’apprentie hocha la tête et s’allongea sur le flanc pour faire sa toilette. Une fois qu’elle fut sèche, elle se releva, s’étira et reprit sa route aux côtés de son mentor.  Elles continuèrent à marcher dans la caverne qu’elles traversèrent. Il y faisait frais et bon.  

    Elles arrivèrent enfin de l’autre côté. Une ouverture béante dans le mur de la grotte permettait dans sortir.  Une lumière aveuglante s’en dégageait. Bourgeon de Nuit plissa les yeux et suivit son mentor, hors de la grotte.  Elle cligna des yeux pour s’habituer à la lumière. Une fois qu’elle y fut habituer, elle remarqua la beauté du lieu. C’était une vaste clairière entourés de chênes et de fourrés. L’herbe était douce et verte. Au centre se dressait un magnifique arbre à l’écorce blanche avec une multitude de petites fleurs roses.  Bourgeon de Nuit ne se souvient pas avoir jamais vu d’arbres comme celui-ci. Fleur de Papillon bondit sur une des racines de l’arbre.  L’apprentie la suivit plus doucement. Elle s’arrêta à une longueur de queue des racines de l’arbre. Elle ouvrit la gueule pour poser une question à son mentor. La femelle écaille l’en dissuada d’un mouvement de queue.  Elle pointa les oreilles vers le sol. La petite chatte noire s’inclina, tout en gardant la tête levée vers son mentor.  

    << Bourgeon de Nuit, promets-tu de toujours servir ta tribu et de soigner ses membres selon la volonté de nos ancêtres ? Et de toujours rester loy         ale à ta tribu quoi qu’il arrive et de guérir les blessures de tes camarades jusqu’à ce que la Tribu des Cieux t’appelle auprès d’elle ? >>

    L’apprentie inspira, expira, se redressa et bomba le poitrail.

    << Je le jure. Miaula-t-elle d’une voix claire et sure d’elle.

    - Dans ce cas, je te nomme guérisseuse. Bourgeon de Nuit, ton nom sera à présent Fleur de Nuit. Tu es enfin guérisseuse à part entière.  >>

    Fleur de Papillon s’avança et posa son museau sur le front de la jeune femelle noire.

    << Félicitation, Fleur de Nuit. Ronronna-t-elle.

    - Merci ! >>

    Elle leva la tête vers l’arbre.

    << Quel est cet endroit ? s’enquit-elle, curieuse.

    - On l’appelle, l’Arbre des Cieux. On dit que c’est la Tribu des Cieux qui l’a placée là, et que chaque fleurs symbolise un guerrier et chaque bourgeon un apprenti.  C’est ici que chaque guérisseuse à reçues son nom définitif. >>

    Fleur de Nuit ne dit rien, elle contemplait, les yeux brillants, les petites fleurs. Elle sentit une fourrure la frôler et en se retournant, vit Fleur de Papillon qui s’éloignait. Elle la rattrapa d’un pas rapide.  Elle se sentait toute légère. Elle était enfin guérisseuse ! Et elle avait le plus génial des compagnon, et bientôt, elle aurait de magnifiques chatons qu’ils pourraient élever ensemble.


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