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    << Allons du côté de la frontière avec la Tribu de l'Eclair. >> proposa Poil de Feu.

    Eclat Sombre acquiesça, tout comme Oeil de Mulot et le petit groupe prit cette direction. Patte de Pluie marchait juste derrière eux. Ils étaient partis chasser à la plaine qui séparait leur territoire et celui de la Tribu de l'Eclair. Lorsqu'elle était chaton, Plume Tigrée lui avait racontée qu'autrefois, cette plaine appartenait à la tribu adverse et que c'était le ruisseau qui servait de frontière. Mais les temps avaient changés et la Tribu de la Lumière avait souvent cherchée à s'emparer de ce territoire qui était très giboyeux. Elle avait finalement réussit et cette histoire c'était transmise de générations en générations.

    Le petit groupe arriva enfin près de la plaine. Les trois guerriers bondirent lestement par dessus le petit ruisseau. Patte de Pluie prit son élan et fit de même, poussant un soupir de soulagement en atterrissant saine et sauve de l'autre côté. Elle se souvient avec nostalgie du jour de son baptême d'apprentie quand sa soeur l'avait poussée dans le cours d'eau qui coulait le long des Pics Rocheux. 

    La novice secoua la tête pour chasser sa soeur de ses pensées et suivit les félins. Ils s'arrêtèrent au milieu de la plaine. Là, Poil de Feu se tourna vers l'apprentie :

    << Eclat Sombre t'as déjà  montré comment chasser dans les hautes herbes? >>

    La jeune femelle acquiesça sans grande conviction. Elle savait que son mentor lui avait montré maintes fois comment faire, mais actuellement, un vide s'installait dans sa tête et elle avait un mal fou à s'en souvenir. Le matou roux et blanc agita les oreilles avec amusement, devinant sans mal que l'apprentie ne s'en souvenait plus. Sans un mot, il désigna d'un geste de queue quelques brins d'herbes qui remuaient non loin. Patte de Pluie huma le fumet d'un campagnol. Sans un bruit, Oeil de Mulot se tapis dans les herbes et contourna la bête d'un côté tandis que Poil de Feu le prenais à revers. Bientôt les deux matous disparurent dans l'herbe. Ils se déplaçaient lentement et silencieusement. Soudain, l'odeur de la peur se fit sentir et on devina que la campagnol avait repéré un des deux chats. Les hautes herbes remuèrent encore plus, vers la direction qu'avait prise Poil de Feu. Le silence suivit. Puis, d'un coup, on aperçut la fourrure blanche et rousse du matou qui bondit en l'air et le cri d'agonie du rongeur.

    Les deux matous réapparurent, la petite bête dans la gueule de Poil de Feu. Celui ci adressa un regard entendu à l'apprentie qui le remercia du regard. Elle se souvenait à présent de comment on chassait dans les fourrés.

    << Bien, miaula ensuite Oeil de Mulot. Je vais chasser avec Patte de Pluie ! Vous deux, allez-y ensemble. >>

    Tout le monde approuva. Patte de Pluie déglutit et suivit son père dans les herbes tandis qu'il l'entraînait plus près de la frontière. Elle avait peur de le décevoir. Son père était un modèle pour elle, un grand guerrier. Elle admira rêveusement son pelage. Ce dernier était gris pâle  et blanc et couturé de nombreuses cicatrices. Une lui barrait l'épaule tandis que trois petites marques se situaient sur sa cuisse gauche. Son oreille gauche était déchirée.  Oeil de Mulot était un grand et puissant guerrier, un vétéran. Beaucoup pensait qu'il serait lieutenant à la place de Croc d'Argent qui était plus jeune.

    Un bruit  léger parvient aux oreilles de la jeune chatte. Elle flaira l'odeur d'un autre campagnol, tout proche. Doucement, elle fit signe à Oeil de Mulot qu'il y avait une proie. Son père hocha la tête et lui fit signe de prendre la position de celui qui attrape. Elle fila donc, ventre à terre, se plaçant face au vent tandis que son paternel partait effrayer le rongeur. Une fois placée, l'apprentie se prépara à bondir. Oreilles tendues, elle attendit que le rongeur bouge. D'ici, elle le voyait grignoter une racine de mauvaise herbe. Une brindille craqua et le petit animal se mit à courir, droit dans les pattes de la novice.  Cette dernière lui brisa la nuque d'un coup sec.  Oeil de Mulot revient vers elle.

    << Bien joué! Tu as l'ouïe très fine pour l'avoir entendu à une telle distance! >>

    Gênée, Patte de Pluie ne répondit rien et prit sa proie en gueule. Les deux félins rejoignirent la frontière. Tandis que Oeil de Mulot en profitait pour la marquer, l'apprentie remarqua au loin deux silhouette familières. En plissant les yeux, elle reconnut Patte de Baie et Patte de Pétale. Les deux apprenties de la Tribu de l'Eclair chassaient dans les sous bois. D'un coup de patte, l'apprentie au poil écaille vit voleter un souris que Patte de Baie s'empressa d'attraper. A la vue de la complicité des deux soeurs, Patte de Pluie se remit à penser à Patte de Givre. Une pensée qu'elle chassa vite lorsque Oeil de Mulot fit signe qu'ils repartaient.

    Ils chassèrent pendant longtemps mais n'attrapèrent qu'une souris de plus. Trois proies, c'était déjà beaucoup pour une fin de saison morte. Enfin, ils revinrent vers Poil de Feu et Eclat Sombre. Les deux matous n'avaient guère étaient plus chanceux : une unique grive s'ajoutait à leur tableau de chasse. Les quatre proies en gueule, le petit groupe prit le chemin du camp. Derrière eux, le soleil descendait lentement dans le ciel. Oeil de Mulot s'approcha doucement de sa fille.

    << J'ai remarqué que tu étais froissée avec Patte de Givre. commença-t-il, la voix déformée par les deux rongeurs qu'il portait.Es ce que...

    - Juste une petite dispute d'apprenties. Il n'y a rien à dire. >> le coupa Patte de Pluie en accélérant le pas.

    Comment pouvait elle expliquer à son père ce qu'il se passait entre elle et sa soeur alors qu'elle même n'y comprenait rien? Son père dut comprendre car il ne la harcela pas et continua de marcher sans un mot. Soudain, Eclat Sombre se figea, le museau au vent.  Perplexe, Patte de Pluie flaira à son tour l'air. Une faible odeur nauséabonde et inconnue lui parvient. Elle se tourna vers les guerriers, avide de réponses. Mais ceux ci ne la remarquèrent même pas, ils semblaient plongés dans leurs pensées. Ils déposèrent leurs proies sous un buissons et le petit groupe dévia alors du chemin, suivant Eclat Sombre, qui la truffe au sol slalomait entre les racines.

    Enfin, il s'arrêta au bord d'une petite comble sablonneuse. En son centre, un trou s'enfonçait dans la terre.

    << Restez-là. ordonna Oeil de Mulot en s'approchant doucement du trou.

    Il flaira le trou, sans quitter de ses yeux grisâtres l'enfoncement terrestre. Puis, il fit signe aux autres qu'ils pouvaient s'approcher. Ne comprenant toujours rien, Patte de Pluie s'empressa de le rejoindre. L'odeur étrange venait de ce trou béant.

    << Qu'es ce que c'est? s'enquit-elle.

    - Un terrier de renard. >> répondit Poil de Feu. Devant la mine effrayée de la novice, il s'empressa d'ajouter. << Il est ancien ne craint rien. Nous devrions quand même faire attention à ce qu'il ne revienne pas. >>

    Sur ces paroles, le matou roux et blanc alla se poster au bord du trou et le marqua, vite imité par Eclat Sombre. Comme ça, le renard saura que c'est chez nous. comprit Patte de Pluie. Pendant que les guerriers marquaient le trou et le comblait rapidement, la jeune chatte furetait ici et là. Tandis qu'elle reniflait les baies sombre d'un buisson feuillu, une voix la fit sursauter.

    << Ce sont des baies de genièvres. On devrait les rapporter à Coeur Vif avant qu'elles ne se fassent rares. >>

    Patte de Pluie se retourna et vit avec stupeur son père derrière elle.

    << Comment sais-tu autant de choses sur les plantes? s'étonna-t-elle tandis qu'il en arrachait certaines.

    - J'ai commencé ma formation entant qu'apprenti guérisseur. Mais j'ai vite compris que ce n'était pas là mon destin.

    - Et heureusement! commenta Poil de Feu qui avait tout entendu. Je ne saurais compter le nombre de fois où tu m'as sauvé des griffes d'un guerrier adverse! >>

    Bouche bée, la chatte grise et blanche dévisagea Oeil de Mulot. Elle n'arrivait pas à l'imaginer comme guérisseur, soignant les blessures des autres. Bien que le matou ne manquait pas de compassion, il n'était guère patient et un trop bon guerrier, autoritaire et droit. Sans un mot, elle aida donc son père à ramasser le plus de baies possibles, dissimulant ainsi le tremblement d'amusement de ses moustaches. Enfin, le petit groupe reprit son chemin. Poil de Feu et Eclat Sombre récupérèrent les proies tandis que Oeil de Mulot et Patte de Pluie portaient les baies de genièvres.

    Ils arrivèrent au camp, tandis que le soleil atteignait son couchant. Presque tous les félins étaient réunis dans la clairière. Eclat Sombre et Poil de Feu se dirigèrent aussitôt vers le tas de gibier pour y déposer leurs prises avant de  partir en direction de Ciel Doux qui mangeait en compagnie de son lieutenant et de quelques guerriers. Oeil de Mulot fit signe à sa fille de le suivre et les deux pénétrèrent dans la tanière du guérisseur. Allongée sur sa litière, Bourgeon d'Erable dégustait un mulot.  Coeur Vif quand à lui était penchée sur une masse écaille. De là où elle était, Patte de Pluie n'apercevait qu'une petite queue touffue et tricolore mais devinait sans mal qui était le félin allongé dans la litière de mousse. Ses doutes se confirmèrent quand le guérisseur se retourna, de longues herbes pendant dans sa gueule, laissant découvrir Petite Coccinelle. La chatonne toussotait faiblement. Oeil de Mulot déposa les baies au sol.

    << Je croyais qu'elle ne faisait que tousser? s'étonna-t-il en désignant la petite.

    - C'est le cas. Mais avec toute cette pluie, j'ai peur que cela n'empire et qu'elle n'attrape le mal blanc. Et je ne voudrais pas qu'elle contamine les autres chatons. >>

    Le guérisseur déposa ses herbes au sol et les sépara en deux, un côté plus gros que l'autre. Ensuite, il appela Bourgeon d'Erable qui ramassa les plantes.

    << Va donc les apporter à Oeil de l'Aube. >>

    L'apprentie obtempéra et disparu à l'extérieur.Enfin, le guérisseur rangea le reste des herbes au sien d'un creux de la roche et s'affaira à faire de même pour les baies.

    << Où avez vous trouvez ses baies? s'enquit-il.

    - Dans une petite comble sablonneuse, près de là où pousse le cerfeuil. répondit Oeil de Mulot. Il en reste encore, je pourrais t'y emmener demain si tu veux. >>

    Coeur Vif hocha la tête distraitement et poussa le restant des baies avec sa patte. Oeil de Mulot se pencha alors vers Patte de Pluie.

    << Tu peux y aller. ronronna-t-il. Va donc manger un peu et repose toi. Tu viens en patrouille de l'aube avec moi demain. >>

    La novice hocha décemment la tête et ressortit.  Elle alla prendre un moineau maigrichon sur le tas de gibier avant de l'emmener dans la tanière des apprentis. Cette dernière était vide, seule Patte de Suie s'y trouvait. Tandis que Patte de Pluie allait s'allonger et commença à grignoter sa pièce de gibier, cette dernière la fixait de ses yeux bleus glaces.

    << Ne mets pas de saleté sur ma litière. >> finit-elle par grogner avant de poser sa tête sur ses pattes et de pousser un soupir.

    Patte de Pluie ne répondit rien et mangea le volatile. Chose faite, elle lécha les brins de mousse afin de récupérer tous les petits morceaux de viandes, fit sa toilette et s'assoupit.


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