La nuit était glaciale. Un vent frais soufflait. La lune était voilée. Un cri transperça le ciel noir de jais. Deux ombres traversaient le camp endormit. Elles entrèrent dans un grand buisson de ronces. L’une était une femelle au pelage gris sombre, l’autre une fourrure rousse et dorée. Cette dernière avait un ventre rond et était prise de contractions. Elle s’affala sur une litière de mousse. Elle haletait et hurlait. L’autre femelle déposa une feuille de chêne d’où s’échappait de petites graines sombres. L’autre les avala tout ronds.
Un spasme parcourut la femelle mouchetée. Et bientôt, un chaton trempé et minuscule apparut. Une femelle au long pelage fauve aux yeux ambrés sortit de l’ombre. Sans un mot, elle s’approcha du petit et se mit à le lécher pour activer sa circulation sanguine. Tandis qu’un autre chaton arrivait, l’entrée du buisson frémit et un matou au pelage très pâle apparut. Il avait un pelage court et ras et des yeux ambrés et pâles. Il s’approcha, la mine inquiète.

<< Alors Fleur Ombragée ? s’enquit-il en léchant le haut du crâne de la reine en train de mettre bas.

- Tout se passe bien, Pelage Lunaire. Tu es déjà père de deux chatons et un troisième est en route.  >>

Le jeune père fut submergé de joie, il se pencha vers le petit chaton fauve pâle qui venait d’apparaitre. Il lui toucha délicatement son petit museau avant de le lécher pour le réchauffer. 
La reine fut secouée de spasmes avant qu’un dernier chaton apparaisse. C’était une petite femelle au pelage doux, soyeux et dorée. Elle parvient à se hisser vers les deux autres petits qui tétaient déjà.
La jeune mère haletait. Elle avait chaud et était épuisée. Son compagnon se pencha vers elle et lui donna un coup de langue sur le nez.

<< Je dois y aller. Il faut que je prenne la tête de la patrouille de minuit. >> miaula-t-il doucement.Et il disparut. La reine soupira en regardant son compagnon partir.  Il ne va mettre longtemps à s’en désintéresser ... constata-t-elle intérieurement.

La femelle fauve qui léchait une chatonne rousse claire s’écarta. Elle inclina la tête envers la jeune reine et se retira pour aller lécher deux petits chatons, l’un fauve tigré, l’autre couleur sable, qui se débattaient dans leur litière avant de se coucher contre eux et de fermer les yeux.
Une autre femelle s’approcha. Elle était grise claire, belle et mince. Elle ne ressemblait pas aux autres reines avec leurs ventres ronds et gonflés. Mais après tout, elle n’avait qu’un seul chaton, une magnifique petite femelle grise tacheté aux yeux bleus glaces. Elle se pencha vers les chatons qui remuaient contre le giron de leur mère. Une lueur de peine et de tristesse illuminait son regard.

<< Ils sont adorables… Tu leur as déjà donné un nom ? >> s’enquit-elle d’une voix douce.

La reine mouchetée renifla ses chatons. Tous des femelles. Elle se pencha vers une toute petite chatte fauve pâle. Sa première née. Elle ressemblait tant à son père ! << Petite Lune.>> Miaula-t-elle. Elle se pencha sur une femelle rousse claire. << Petite Boule Enflammée >> Elle lécha ensuite tendrement le front de la dernière-née. << Petite Boule Dorée. >>

Nuage Clair émit un petit ronronnement. Elle s’inclina et disparut dans les ombres de la pouponnière. La jeune mère posa sa tête sur ses pattes et poussa un  long soupir. Elle était exténuée, mais heureuse. Elle ferma les yeux et le sommeil l’emporta. Alors qu’elle allait s’endormir, une silhouette pâle et étoilée apparut et miaula d’une voix douce : << Tes filles sont spéciales. L’une d’elle suivra ton exemple, une autre sera désignée et la dernière dirigera. >>