Un petit miaulement plaintif s'éleva dans la nuit. Un chaton était blotti contre le sol froid, ses minuscules pattes s'agitant sans but dans le vide. A ses côtés, sa soeur, doté d'une poil blanc et gris pâle ne bougeait plus. Elle était morte. Deux ombres s'arrêtèrent.  L'une d'elle portait un autre petit dans la gueule - âgé de quelques instants seulement. L'autre, se pencha et doucement souleva le petit avec un ronron rassurant.

<< Courage, nous y sommes presque. >>

Bien que trop jeune pour comprendre, le petit cessa de gémir et se laissa porter. Les quatre félins marchèrent un moment dans la lande, le poil hérissé par le froid mordant. La demi-lune scintillait au dessus de leur tête, teintant d'argent les hautes herbes. Le doux murmure de la bise glacial faisant remuer celles-ci, comme l'amoncellement  d'une grande nouvelle. Soudain, un des félins s'arrêta, le museau en l'air. Son poil redevint lisse, comme si le froid ne l'importait plus et sa respiration se fit plus lente. Le chaton qu'il tenait dans la gueule se mit à pousser de petits cris tout en se débattant faiblement. Le deuxième félin, s'arrêta aussi, jetant un coup d'oeil inquiet à sa camarade.

Il y eut un second souffle de vent et cette dernière sembla reprendre vie. Ses yeux marrons se posèrent avec détermination sur le poil argenté de l'autre félin.

<< C'était un signe. La Tribu des Cieux à parlé. Nos ancêtres nous approuve : un de ses chatons aura un grand destin. >>

L'autre femelle posa un instant son chaton au sol et leva la tête vers le ciel étoilé.

<< Qu'il en soit ainsi. >>

Les femelles reprirent leur route. Enfin, elles arrivèrent au bord d'un petit étang. Elles le contournèrent et se glissèrent à l'intérieur d'un gros buisson. Une odeur douce de lait y régnait. Les félins avancèrent, prenant garde à ne pas réveiller une chatte au poil écaille, endormit contre deux petits au même pelage. Tout au fond une femelle au poil blanc était blotti dans une litière de mousse. Lorsque les félins approchèrent, elle releva des yeux embués. Ils déposèrent les petits au sol, puis la chatte brune sortit aussi silencieusement qu'à l'arrivée.

<< Qui es ce? articula la femelle blanche.

- Ses petits.

- Tu veux dire qu'elle est...? >> La chatte ne finit pas sa phrase et enfouie la tête sous ses pattes.  L'autre lui lécha doucement le front en acquiesçant.

<< Je sais qu'elle te manquera. Elle nous manquera à tous mais ses petits ont besoin d'une mère. >>

La chatte blanche ne répondit pas. Finalement, elle releva la tête et fixa les chatons. Pendant ce qui sembla être une éternité, elle ne dit mot puis enfin, elle hocha doucement la tête et attira les petits contre son ventre. Les petites bêtes se mirent à téter avidement, affamées.

<< Merci. >> miaula la chatte argentée.

Cette dernière fit mine de s'éloigner quand l'autre la rappela.

<< Attends. Que va tu dire à la tribu? >>

L'autre ne broncha pas puis elle se retourna et murmura avec conviction.

<< Seulement qu'elle est morte et que se sont ses petits. Et de ne jamais leur révéler la vérité. Les chatons auront une vie normale, ils seront aimés et aimeront la tribu en retour. Il n'y a pas de raison à se que leurs origines change tout. >>

Puis, le félin argenté ressortit dehors, songeant à ses paroles. Tout n'était que mensonge : la prophétie de la Tribu des Cieux leur promettait un grand destin, du moins, à l'un d'eux.